Le Flow, ce moment que tout coureur rêve de revivre
De nombreux coureurs en ont fait l’expérience, mais aucun ne saurait vraiment dire comment il y est arrivé ni comment le revivre. Le flow est un moment de totale absorption qui mélange plaisir, effort, et performance. Dans cet article, je fais le point sur cet état quasi mystique.
As-tu déjà vécu le flow ?
Ce questionnaire est utilisé par les psychologues du sport. Il vous permettra de savoir si vous avez déjà vécu un moment de flow.
Le père du flow
Le concept de flow nous vient du Dr Csikszentmihalyi, professeur d’université, qui l’a décrit pour la première fois dans les années 70. Si vous ne parvenez pas à prononcer son nom, pas d’inquiétude, ce n’est pas une compétence nécessaire pour vivre du flow.
Le flow est un état mental optimal que l'on expérimente naturellement quand nous nous trouvons totalement absorbés par une tâche au point d'en oublier toute notion du temps, ainsi que toutes nos préoccupations. - Csikszentmihalyi
Dans l'état de flow, les individus se sentent efficaces, profondément impliqués et très motivés à ressentir un niveau élevé de plaisir. Des centaines d’études se sont intéressées au flow notamment chez les sportifs.
7 caractéristiques du flow
Hyperconcentration sur la tâche.
Les objectifs sont clairement définis : on sait exactement quoi faire.
Une distorsion temporelle (le temps passe plus vite, ou moins vite).
L'expérience est vécue comme purement intrinsèque (enrichissante et plaisante).
Un équilibre parfait entre le niveau de défi et nos habiletés.
Vous n’avez plus vraiment conscience de vous-même.
Un sentiment de contrôle absolu sur la tâche.
Pour commencer, dans le milieu universitaire, le flow semble mener à la motivation, aux émotions positives, et à une meilleure performance aux examens.
D’autres études dans le monde du travail ont démontré que le flow favorisait les émotions positives, l’intérêt et la performance.
Le flow a également fait l’objet de nombreuses études dans le domaine du sport. En effet, des recherches ont démontré que le flow menait à la confiance, à la performance, et aux émotions positives.
Néanmoins, il n’existe encore aucune preuve scientifique démontrant que le flow peut augmenter la performance chez des coureurs.
Je vois trois raisons à cela :
D’une part, la définition du flow est encore largement débattue. Les chercheurs ne sont pas tous d’accord sur le concept et ont donc élaboré différents questionnaires pour mesurer le flow. Ces questionnaires mesurent-ils tous le flow ? Peut-être pas.
La deuxième raison, c’est que le flow est par définition difficile à mesurer. Une procédure courante consiste à demander a posteriori aux sportifs de rapporter leur état de flow en répondant à un questionnaire. Or il peut être compliqué de rapporter un tel état puisque le flow est par définition un moment de conscience altérée.
Finalement, plusieurs études ont tenté de mesurer le flow en laboratoire. Est-il vraiment possible d’induire un état de flow en milieu contrôlé ? Pas sûr.
Le flow à d’autres bénéfices
Un article récent a recensé les études qui se sont intéressées au flow chez les coureurs.
Le flow augmente le sentiment de compétence.
Le sentiment de compétence est un besoin essentiel chez l’humain, qui a pour effet d’augmenter la motivation autodéterminée (intrinsèque), le sentiment d’auto-efficacité (la confiance), et les émotions positives. Pour faire simple, un coureur qui se sent compétent aura plus de chance de se sentir épanoui et de performer dans son sport.
Le flow augmente la satisfaction vis-à-vis de sa performance.
Un coureur qui vit un état de flow sera dans le moment présent, se sentira efficace et en contrôle. Il ne sera pas en train de comparer sa performance avec les autres ou avec ses autres performances. Il a donc plus de chance d’être satisfait de sa performance.Le flow augmente le plaisir et les émotions positives.Barbara Fredrickson a démontré que les émotions positives comme la fierté, la joie, l’amour, l’intérêt, ou la gratitude augmenteraient nos ressources physiques, intellectuelles, et sociales à long terme. En d’autres mots, vivre davantage d’émotions positives nous rapprocherait d’un fonctionnement psychologique optimal et donc de la performance.
Plusieurs études ont démontré qu’une condition essentielle consistait à trouver l’équilibre optimal entre le niveau de défi et vos habiletés. Concrètement pour les coureurs, cela consiste à engager le niveau d’effort adéquat lors d’une course ou d’un entrainement difficile. Notez toutefois qu’il semble peu probable de vivre un état de flow intense en début de saison alors que votre niveau de forme est au plus bas.
Ce schéma démontre les différents états émotionnels que vous pouvez vivre en fonction du niveau de défi et de votre compétence perçue.
Par exemple :
Lors d’un jog de récupération très facile alors que vous êtes plutôt en forme, il est probable que vous ressentiez de l’ennui, car vos capacités dépassent largement la difficulté de la tâche.
Lors d’une séance très difficile en début de saison, il est probable de vous sentir préoccupé, voire anxieux, par la difficulté de la séance.
Lors d’une course en fin de saison alors que vous êtes très en forme et que vous trouvez l’allure parfaite il est alors probable que vous trouviez cet état de flow.
Un exercice pour vivre plus de flow
Cet exercice consiste à identifier quelles étaient les caractéristiques présentes lors de vos états de flow antérieurs.
Repensez à plusieurs moments en course à pied durant lesquelles vous avez vécu un état de flow marquant, puis répondez aux questions suivantes :
Était-ce lors d’une course, un entrainement ?
À quelle vitesse courriez-vous ?
Quelle distance ? (un 5k, un 10k, un marathon ?)
À quel moment de la saison ?
Étiez-vous en forme ?
Vous sentiez-vous trop stressé ou anxieux ? Ou plutôt confiant ?
Étiez-vous seul ou en groupe ?
Couriez-vous dans un endroit calme ou bruyant ?
Y avait-il une foule pour vous encourager ?
Maintenant analysez vos réponses.
Celles-ci devraient vous permettre de savoir quelles sont vos propres caractéristiques qui sont le plus à même d’activer un état de flow.
Ensuite vous pourriez mettre les conditions optimales en place afin de favoriser le plus souvent possible cet état de flow.
De plus vous pourriez choisir des courses qui se rapprochent de ces caractéristiques afin de maximiser le plaisir et votre performance.
Le Dr Arne Dietrich a montré que le flow était associé à une diminution de l'activité dans le cortex préfrontal. Le cortex préfrontal aide notamment à la prise de décision et nous permet de choisir un comportement plutôt qu’un autre. De plus, cette inhibition temporaire de la zone préfrontale semble être responsable des sentiments de distorsion du temps, d’une certaine perte de conscience de soi et d’une absence d’autocritique.
Finalement, l'inhibition du lobe préfrontal permettrait aux processus automatiques inconscients de prendre le dessus en permettant à plus de zones cérébrales de communiquer librement. Le flow semble donc favorablement modifier la chimie de notre cerveau en permettant aux coureurs d’être davantage dans le moment présent, éviter de trop penser, et courir de façon automatique.
Mon meilleur flow en 2020 ?
Le 10 septembre 2020, j’étais en pleine préparation marathon avec pour objectif de courir 2h19. La séance du jour consistait à courir 60 minutes autour de la piste à une allure un peu plus lente que l’allure marathon.
Ce jour-là j’ai vécu un moment de flow mémorable en réalisant une performance qui m’a moi-même surpris en courant un peu plus de 45 tours de piste, soit un peu plus de 18km en 60 minutes. Cette sensation d’être absorbé dans l’effort, de me sentir efficace, et pleinement dans mon corps … presque invincible a été une expérience profondément marquante.
Les caractéristiques qui ont probablement favorisé mon flow :
J’étais très en forme.
Je courais seul.
Mes partenaires d’entrainement m’encourageaient à chaque tour.
Le parcours était très répétitif /prévisible (46 tours de piste).
Je ne regardais pas vraiment ma montre, je courrai à l’effort.
Je prenais beaucoup de plaisir, car c’était une allure que j’avais pratiquée de nombreuses fois.
Je savais que j’étais en train de réaliser un bon entrainement, mais je ne pouvais pas comparer ma performance avec quoi que ce soit.
Je ne ressentais pas une douleur élevée.
C’était un challenge unique puisque je n’avais jamais couru aussi longtemps et aussi vite sur une piste.
Être en forme
Si vous êtes en forme, vous avez plus de chance de livrer une bonne performance et donc d’être dans cet état de flow.Le pacing parfait
Votre allure devrait à la fois être assez rapide et constituer un vrai défi pour vous, mais devrait rester dans la limite de vos capacités. Le but c’est que vous vous sentiez compétent.e et épris de cette sensation que vous réalisez une bonne performance. Pour trouver cette allure, je vous conseille d’apprendre à courir aux sensations plutôt que les yeux rivés sur votre montre, comme je l’expliquais dans cet article.
Faire un negative split
Selon moi, vous avez plus de chance de vivre un état de flow en démarrant votre course ou entrainement à une allure conservatrice. Le negative split signifie que vous courrez la deuxième partie de course plus vite que la première. Les records du monde sont souvent courus de cette façon. Il n’y a rien de pire que de casser à la mi-course, mais vous le savez déjà !
Avoir un plan clair
Avoir un plan clair avant votre course ou votre entrainement permettra de sauver une grande quantité d’énergie mentale. Sachez à quelle allure/effort vous voulez courir, votre stratégie de course, votre routine d’avant course, etc.
Être motivé
Pour vivre cet état mental optimal, vous devez être motivé par votre objectif. Qu’il s’agisse d’une course ou d’un entrainement, être motivé à livrer votre meilleure performance est essentiel. Cela envoie le message à votre corps que c’est important pour vous, et augmente vos chances de vivre du flow.
Se concentrer
La concentration est un facteur clé dans l’état de flow. Trop d’attention sur l’extérieur (ex: le regard des autres) peut clairement diminuer votre focus, et impacter votre état de flow. Un conseil : concentrez-vous sur vous. Soyez dans le moment présent le plus possible. Évitez de repenser au passé (ma mauvaise performance de la semaine dernière), ou d’anticiper un événement futur (vais-je battre le record de Paul ?). Finalement, cette recherche a démontré qu’écouter de la musique avant une course (et probablement pendant) augmenterait les chances de vivre du flow. À vos écouteurs !
La Confiance
Alors que la confiance augmente vos chances de vivre du flow, le fait de douter et d’avoir peur de l’échec les réduisent.
Pour être confiant, une bonne préparation physique en amont est nécessaire. De plus avoir quelques expériences positives de course est préférable. Par exemple, si vous venez d’exploser votre record au 10k, votre confiance sera très élevée.
Il arrive toutefois qu’un haut niveau de forme nous mette une pression supplémentaire “Je suis en forme, je dois performer, je n’ai pas le droit d’échouer”. Cette peur de l’échec est fréquente, mais vous devez la combattre.
Avoir une routine
Il est important de réaliser une routine pré-compétition afin d’activer le flow. Cela envoie le message à votre cerveau que vous voulez réaliser un effort maximal et que c’est important pour vous. D’ailleurs, vous avez dû remarquer à quel point votre stress augmente lorsque vous commencez votre échauffement pré-compétition. Rassurez-vous, c’est une bonne chose !
Bien gérer son stress et anxiété d’avant course
Le stress est nécessaire pour performer, toutefois trop de stress peut mener à l’anxiété et réduire votre niveau de performance et de flow. J’ai écrit deux articles sur le sujet. Dans ce premier, vous comprendrez pourquoi le stress est vraiment important pour performer. Dans ce deuxième je vous donne 10 astuces pour tirer avantage de votre stress le jour de compétition.
Se connaitre
La complexité de la psychologie du sport vient du fait que chaque athlète est différent. Ce qui peut-être bon pour Marc n’est l’est pas forcément pour Paul. Pour vivre un état de flow, je vous conseille vivement de faire le petit exercice présenté plus haut dans cet article. Mon expérience m’a montré que les meilleurs athlètes ont une connaissance assez exceptionnelle d’eux-mêmes. À vous de jouer !
Et vous ? Avez-vous déjà vécu le flow ? Si oui, fais-le savoir en bas de cet article ;-)