L’homme qui courait 3:39 au 1500m - Entrevue

À seulement 22 ans Kevin n’est pas seulement détenteur d’un baccalauréat en droit, mais fait déjà partie des meilleurs coureurs du pays sur 1500m. L’avocat en devenir vient tout récemment d’enregistrer un nouveau record personnel en 3:39.40 soit la 6ᵉ meilleure performance canadienne sur cette distance en 2021 et la 5ᵉ meilleure performance de tous les temps au Québec. Cela le place à côté de grands noms tels que Justyn Knight, Charles Philibert-Thiboutot ou Mohammed Ahmed. Kevin est à moins de 5 secondes du standard Olympique en 3:35.00. Dans cette conversation amicale nous revenons sur sa série de courses aux États-Unis, les nouveautés qu’il a apportées à ses entrainements, et pas mal de choses qui raviront les mordus de pace et d’anecdotes.

Bonne écoute !

Transcription

Maxime

Salut Kevin, merci de participer à ce mini podcast, ça va être l'occasion de parler de ta saison. Tu reviens des États-Unis, tu as fait des grosses perfs sur 1500. J'aimerais que tu nous parles un peu de ça. J'aimerais qu'on parle aussi d'entraînements, comment tu t'es entraîné pendant la COVID, etc. Mais avant tout, est-ce que tu vas bien ?

Kevin

Oui, ça va bien, bel et bien arrivé au Canada depuis lundi dernier. Super content de rentrer à la maison après un gros voyage d'un mois aux États-Unis. Super content de revoir ma famille, même si je suis dans ma chambre en quarantaine présentement. Sinon, je me repose beaucoup. Je pense que le repos, ça va être la clé pour les prochaines semaines.

Maxime

Donc tu es parti 1 mois quand même ?  Je ne pensais pas que tu étais parti aussi longtemps.

Kevin

Dans le fond, je suis parti le 8 mai, donc c'était vraiment un mois, le 8 mai, j'ai pris mon billet d'avion pour Los Angeles, puis après ça, j'ai fait un petit peu le tour des États-Unis. Aller dans l'ouest, l’est, l'ouest, j'ai pris plusieurs avions. La première course que j'ai faite, c'était une course à Los Angeles de haut niveau. Au départ, on avait été accepté dans mon camp d'entraînement par la suite il y a eu des complications. Puis à la dernière minute l'organisateur nous a confirmé qu'on était bel et bien accepté dans la compétition.

Kevin

J'ai pris mon billet d'avion à la dernière minute, puis je suis allé compétitionner à Los Angeles. La course était le 15 mai. C'était ma première course officielle dans une course relevée avec des athlètes de haut niveau depuis plus d'un an et demi. Donc, c'est sûr que j’étais très excité, mais un petit peu nerveux en même temps. Au final, la course s'est super bien déroulée, j’étais dans la vague 3, donc la vague la plus faible de la compétition.

Kevin

Par contre, j'ai réussi à effectuer mon deuxième meilleur temps à vie lors de cette première compétition. J'ai réussi à faire 3 minutes 41 et 25 alors que mon record personnel, c'est 3 minutes 41 04. Alors, c'était une belle surprise pour moi. Je savais quel la suite des choses allait bien aller.

Maxime

Parce que dans le fond, en général, le 1500 mètres pour faire ton meilleur temps, il faut faire plusieurs courses. C'est comme ça que ça fonctionne en général. Donc c'est rare que sur ta première course tu t’approches autant de ton record personnel. C'est exact ?

Kevin

Oé c’est exact, je pense que c'est une course où ça prend vraiment. Ça prend vraiment du temps à s'adapter. Les sensations sont assez différentes des entraînements, puis, au final, juste s’entrainer puis de courir en groupe c'était quelque chose qui me manquait depuis les dernières années. J'avais participé à quelques compétitions à la saison estivale en 2020, mais c'était principalement des time trial individuels. Ou est-ce que j'avais des coéquipiers comme lièvres donc juste courir dans un gros pack c'était vraiment une grosse différence pour moi.

Maxime

Puis tu t’es senti comment sur la ligne de départ ? Tu devais te sentir spécial niveau émotion, est-ce que tu étais excité, tu avais peur ? C'était quoi ton ressenti?

Kevin

Honnêtement, j'étais juste vraiment reconnaissante de l'opportunité que j'avais plus de la gratitude. Je n'étais pas vraiment tant nerveux au final. Je savais que je n’avais rien à perdre, que j’étais là, que j'étais juste venu ici pour avoir du plaisir. Puis c'était ma première course donc ça ne servait à rien d’avoir trop de pression dès la première. J'avais quatre autres courses par la suite pour enchaîner les bonnes perf. Au final quand j’ai vu le temps j'étais super content. J'ai réussi à terminer aussi avec un gros dernier tour. J'avais fait 57 secondes 56 pour la dernière course. La course était bien gérée, super bien passé. J'étais super content à ce niveau-là.

Maxime

Toi, habituellement, une course qui finit très fort. Est-ce que c'est dans ces eaux-là? Est-ce que c'est au tour de 56 57? T’as déjà fini, plus fort?

Kevin

Non. À cette époque-là, c'était la première fois que je terminais une course aussi rapidement. Donc ça, c'était vraiment encourageant par la suite lors de la tournée j'ai réussi à terminer encore plus rapidement, plus rapidement. Mais le 15 mai, c'était mon finish le plus rapide à vie.

Maxime

Donc ça c’était la première, t’étais dans la troisième vague alors je n’imagine même pas le niveau des vagues 1 et 2. Par contre, quand j'ai vu la vague 3 trois t’étais inscrit dans les meilleures. Là, je me suis posé la question est ce que tu penses que tu aurais pu faire quelque chose dans la deuxième vague? Est-ce que tu crois que ça t’aurait aidé à aller plus vite ?

Kevin

Ça dépend aussi du type de course qu'on veut effectuer. Si c’est une course où tu y vas uniquement pour le chrono, je pense qu'il est préférable d'être derrière, puis de suivre la personne devant soi pour ne peut se poser de questions, puis rester concentré. Comme ça, on économise de l'énergie. On ne va pas être à l'avant, prendre le vent et faire les moves tactiques. On peut réellement se concentrer sur courir vite. Donc pour une première course, je pense que c'était bien pour moi.

Kevin

J'avais terminé en troisième position, donc ça me mettait en confiance. Mais c'est sûr que dans les courses qui allaient venir, j’aurais aimé être dans les vagues avec un meilleur niveau. Par la suite, je suis allé à New York, New York, c'était 6 jours après la Californie à New York, je suis allé rejoindre mes coéquipiers d'entraînement de mon club Saint Laurent Select. J'ai encore effectué un 1500m puis cette fois-ci, j'étais dans la vague forte, mais initialement, j'étais dans la vague faible puisqu'il y avait une confusion entourant mon nom.

Kevin

Un autre coureur canadien qui habite en Ontario, qui s'appelle également Kevin Robertson. Puis il y avait un record personnel au 1500 mètres de 3:50, don l'organisateur s'est trompé et ils m'ont mis dans la vague faible.

Maxime

C'est drôle ce que tu dis parce que je suis allé regarder ta fiche IAAF, et là, je voyais que tu avais un record à 3:50 des ici. Il y a une erreur. C'est au mile mais en même temps je sais que ce n’est pas encore ton niveau 3 :50 même si t’en pas loin. Du coup, je ne comprenais pas. C'est bien, tu résous le problème que j’ai eu. Et finalement, ce n’est pas toi qui arrives en premier.

Maxime

Moi, je pense que tu devrais envoyer une requête à l’IAAF parce que t'es censé arriver devant l'autre, qui est quand même moins bon que toi.

Kevin

Au final, mon entraîneur a réussi à contacter l'organisateur pour me faire changer de vague, donc ça, c'était positif pour moi. Puis lors de cette vague il y a avait des athlètes très relevés. Je n'ai jamais réussi à effectuer mon record personnel, donc j'avais fait 3 minutes 40 et 76, donc ça tourne autour de 2:26/km. Donc pour moi, c'était un exploit. J'étais super content. Puis j'avais réussi à terminer mon dernier tour en 56 secondes 47 de mémoire, donc c'était hyper rapide.

Kevin

La course avait été, elle avait commencé, vite. Puis, au deuxième tour, les coureurs avaient mis les freins, on avait rentré des tours en une minute, même une minute une. Donc d’avoir fini en 56 secondes, c'était vraiment quelque chose dont j'étais fier. Puis aussi à la ligne d'arrivée, j'ai réussi à battre Eric Jenkins qui est un athlète de haut niveau, donc c'était quelque chose un petit plus pour moi lors de cette course.

Maxime

Comment tu t'es senti après avoir battu un athlète que tu devais déjà suivre j'imagine puisque tu es un spécialiste, que tu n'aurais jamais imaginé battre je pense dans les six mois avant ça même la veille, est-ce que tu t’es senti différent ? Tu es vite redescendu sur terre ? Tu t'es senti comment ?

Kevin

En parlant avec mon entraîneur avant la course, il m'a dit : « je sais qu'il y a des gars qui sont censés être meilleurs que toi, mais t'es dans la vague 1, tu mérites ta place, donc si t'es capable d’en battre plusieurs on le fait ». Puis la semaine précédente, à Los Angeles, j’avais battu Amos au 1500 mètres. Même si ce n'est pas sa distance c’est quand même un athlète très relevé donc j'avais pris la confiance, donc là dans la dernière ligne droite lorsque je voyais que c'était plus difficile pour Eric Jenkins bah moi ça m’a juste motivé à courir plus vite pour aller le rattraper et au final j’ai réussi à le battre donc c’était assez cool.

Maxime

J'imagine qu'il est dans la position de l’underdog comme toi ya quelques choses où tu peux juste gagner. Au pire, tu le bats et là c’est vraiment cool. Au pire, tu ne le bats pas puis ça reste dans l'ordre des choses. Mais j'imagine que ça doit être agréable d’être dans cette position aussi, parce que tu peux juste abattre des têtes et ça c'est super. Ça c’était ta deuxième course ? Puis là, tu me dis que ta quand même traversé les États-Unis en six jours?

Kevin

Exactement.

Maxime

C'est quand même un gros décalage. Il y a quoi? 5, 6 heures ?

Kevin

Non c’était 3 heures?

Maxime

C’est quand même beaucoup, fatiguant, comment tu gérais la fatigue ?

Kevin

Honnêtement, moi, à la fin du voyage, les avions j'étais tanné. C'était beaucoup de voyagement est-ouest, est-ouest, donc il fallait toujours s'adapter au décalage horaire aussi. Concrètement, j'essaie de pas dormir lors de mes voyagements pour arriver le soir et de m'adapter directement sur le bon fuseau horaire, puis de dormir, me reposer. J'avais souvent assez de temps entre les courses pour récupérer de la sorte, donc je n'ai pas eu de problème à ce niveau-là. C'est sûr que le cerveau, des fois, est un petit peu plus fatigué, surtout vers la fin.

Kevin

Lorsque j'ai dû retourner vers l'ouest après. Mais sinon, la transition s'est quand même très bien faite. On avait assez de temps entre les courses pour s'organiser puis pas avoir de problème à ce niveau-là.

Maxime

Troisième course c’’était où ?

Kevin

La troisième course c'était au Portland Track Festival. En fait, j'avais déjà eu l'occasion de courir là-bas en 2018 je pense, malheureusement en 2018, c'était vraiment pas une bonne course pour moi. J'avais terminé parmi les derniers. Il n'y avait personne qui voulait m'imposer un rythme rapide. Moi, j'étais allé en avant puis disons que c'est pas ma course cette journée-là. Toutefois, cette année, ça s'est super bien passé lors des deux courses.

Kevin

La première course, j'étais dans la vague 2, avec raison, puisqu'il y avait des athlètes olympiques dans la vague 1. Il y avait Craig Engels, Matthew Centrowitz, donc il y avait vraiment beaucoup d'athlètes de haut niveau, donc c'était un petit peu dur de justifier la première vague. Mais au final, à la deuxième vague, ça me convenait. Ça a été la première fois où j'ai réussi à briser la barrière des 3 minutes 40 au 1500 mètres.

Kevin

Donc ça, c'était vraiment un gros exploit. Cette performance-là c'est la 5e meilleure performance de tous les temps au Québec, donc c'était vraiment une barrière. Ça fait longtemps que je voulais la briser.

Maxime

3:39 Combien exactement?

Kevin

3 :39.40

Maxime

C'est sûr que quand tu passes sous les 3:40, en fait tu fais vraiment partie des meilleurs parce que les meilleurs ne font pas vraiment sub 3:30. Il y en a quelques-uns, mais c'est une poignée. Quand tu es en bas de 3 :40, t'es dans le bon chiffre en tout cas.

Maxime

Cette course ça s'était passé comment ? C’était parti vite ? J’imagine que le pace devait être idéal si tu as fait un record comme ça.

Kevin

Le premier 300 mètres était un petit peu lent dans mon cas. Par la suite, la course a été vraiment courue de façon de façon even, donc c'était vraiment des conditions parfaites pour moi. De mémoire, j'ai terminé en sixième ou septième position, donc j'ai pas dû être en avant pour faire le travail. J’ai vraiment juste suivi, toutes les étoiles étaient alignées donc j’ai réussi à faire 3 39, tout était parfait dans cette course.

Maxime

Est-ce que tu réalisais pendant la course que tu étais en train probablement de passer sous les 3:40 ou bien tu étais en mode immersion totale, puis surpris à l'arrivée ?

Kevin

Je te dirais qu'il y a 300 mètres, on voit le chrono donc j'ai regardé le chrono puis je me suis dit ouais, il me faut trente points cinq secondes ou quelque chose comme ça pour faire en dessous de 3:40. Donc je me suis dit je pense que je suis capable. Puis ça l'a fait.

Maxime

Ça, c'est cool. Tu dois être tellement content parce qu'on connaît jamais vraiment son temps exact  quand on finit surtout comme t’étais à 60 centièmes, c'est pas loin. Ça, c'était la troisième. Donc tu as augmenté ton niveau à chaque course pratiquement.

Kevin

Oui les trois premières, c'est ça, ça l'a été. Chaque course était de plus en plus vite. La quatrième, c'était également à Portland donc au moins il n’y avait pas de voyagement donc on pouvait rester dans le même Airbnb pendant deux semaines, donc ça, c'était assez cool à ce niveau-là. Sinon, c'était sur la même piste aussi donc c’était en terrain connu. La quatrième, c'était au Portland Twilight.

Kevin

Donc, cette fois-ci, au départ, j'étais censé être dans la deuxième vague. Par la suite, on a envoyé un message à l'organisateur. Il m'a transféré dans la première vague. Puis, le matin même, je me suis réveillé. J'ai regardé mes emails, il m’avait re-transféré dans la vague 2. Ça, c'était un coup dur émotionnellement à apprendre à la journée de la course. La veille, ça aurait été un petit peu plus facile, mais de me faire changer comme ça.

Kevin

On dirait que je jouais au yoyo, vague 1, vague 2, vague 1.

Maxime

Puis tu t’es senti comment ? Tu étais plus frustré, plus en colère, plus déçu ?

Kevin

Je dirais que j’étais assez déçu, parce que dans la vague 1, il y avait plusieurs coureurs que j’avais battus trois quatre jours auparavant, donc je savais que j'étais en meilleure forme qu'eux. Mais ce sont des coureurs plus renommés que moi, plus connus. Ils leur ont laissé une chance, puis au final, ils n'ont pas couru très vite. Donc ça, c'est un petit peu décevant pour moi.

Maxime

Donc une petite injustice selon moi.

Kevin

Ouais selon moi mais au final ils avaient des records personnels plus vite que moi, je l'admets. Mais lorsque son season best c’est 3:45, je pense pas que tu mérites d’être dans une vague qui s’est courue en 3:31.

Maxime

J'imagine que la renommée doit jouer aussi, si les personnes ont le même niveau que toi ou même moins bien, mais que ça fait cinq ans qu'elles courent les mêmes temps, j’imagine que les organisateurs. Puis j’imagine que c’est beaucoup aussi des relations humaines, du réseautage dans les courses pour avoir ton athlète dans une vague plutôt qu'une autre. Est-ce que Samuel Marion, qui est ton entraîneur, c’est quelque chose avec lequel il était habitué de négocier un petit peu des places dans les vagues comme ça?

Kevin

Moi, ce n'est pas la première fois dans le fond. Moi, j'ai effectué deux tournées en Europe, puis principalement en France, on a dû se battre pour obtenir des places dans des vagues rapides. En Belgique, eux ils prennent uniquement nos records personnels, donc c'était vraiment assez juste, tandis qu'en France ils favoriseaient réellement les athlètes français. Donc, je me rappelle une fois lorsque j'ai effectué un 800 mètres, une semaine après avoir effectué mon ancien record personnel de 3 minutes 41 04, j'arrive dans une compétition pour faire un 800m puis je suis dans la dernière vague, la vague la plus lente.

Kevin

Puis la troisième vague, il y avait des athlètes qui étaient inscrits en 2 minutes

Maxime

Oé d’accord, c'est pas du tout un niveau, pour référence moi j’ai fait un 800m en 1min56 et on a un niveau qui n'a rien à voir sur le court. D'ailleurs, en parlant du 800m, c'est quoi ton record?

Kevin

Mon record personnel au 800m je pense que c'est 1min51. Ça fait longtemps que je n’en ai pas couru un vrai.

Maxime

Ce que tu fais en ce moment, ça vaut 1m48, 1m49, quelque chose comme ça ?

Kevin

Plus vite, mon temps en équivalence temps IAAF? Probablement je ne cours pas ça mais c’est 1:46.94. Donc je suis persuadé que je peux briser la barre des 1m50. Ça, c'est un objectif que j'ai depuis longtemps puis mon coéquipier Mohand, il me dit toujours que je dois faire un 800m parce que mes entraînements sur du court ils se passent bien, donc lorsque j’aurai l’opportunité, faut que je la saisisse.

Kevin

Donc la quatrième course, au final même, j'étais dans la deuxième vague. On avait quand même une vague qui était assez relevée, qui était quand même de bon niveau. On avait un lièvre aussi qui partait sur des bases assez intéressantes. L'objectif était de se placer en devant en avant du peloton, puis d’être compétitif, par contre, dès les 100 premiers mètres dans le fond, je me suis retrouvé directement derrière le lièvre, puis tous les autres coureurs sont restés derrière moi. J'ai essayé de me tasser vers la droite pour laisser quelqu'un passer, mais il n’y a personne qui voulait y aller.

Kevin

Je me suis dit qu’il faut prendre ses  responsabilités, puis je suis resté en avant toute la course, jusqu'à 1200 1250 mètres puis par la suite ils m'ont passé, j’ai donc terminé avec un chrono de 3 minutes 40 et 43 centièmes.

Kevin

Sur le coup, j'étais vraiment déçu, même si c'était ma deuxième performance à vie. Mais en prenant en compte l'ensemble des circonstances du fait que j'étais en avant, que j'avais eu du vent que j'avais fait toute la job tout seul. Quelques jours après, j'étais vraiment satisfait. Ça prouvait que j'étais capable de courir dans plusieurs types de compétitions.

Kevin

Je pouvais être en avant, je pouvais rester en arrière, je pouvais finir fort. Donc, au final, à tête reposée, je suis quand même très satisfait de cette course-là.

Maxime

C'est vrai que si tu as couru tout seul, un 3:40, ça veut dire que tu étais beaucoup plus en forme que ça. Mais en même temps, des fois, les courses de championnat, les circonstances sont hors de contrôle. J'imagine que les gens veulent gagner, on a vu des courses qui se joggaient parfois aux championnats du monde ou aux olympiques. Avoir une expérience comme ça, j'imagine que c'est bon aussi pour toi. Comme tu le dis.

Maxime

En tout cas, c'est bien que tu réagisses comme ça, parce que j'imagine que tu dois avoir toutes les cordes à ton arc sur le 1500.

Kevin

Oé c’est sûr qu’immédiatement après la performance, honnêtement, j'étais déçu. J'étais venu pour courir vite donc en étant lièvres les gars à la fin m’ont passé et ont fait des bons chronos, mais c'est sûr que maintenant, je me sens beaucoup plus en confiance qu'auparavant. Auparavant, les courses de championnats, c'était pas mon fort et finir fort, j’étais pas réellement capable. J’étais plus un gars qui courait even, puis qui allait faire des bons chronos. Mais maintenant, même si la course part très lentement, je suis très confiant avec ça.

Kevin

À l'époque, les courses tactiques, les j'arrivais avec une mentalité assez négative. Je savais que j'étais pas le plus talentueux dans les courses tactiques, mais présentement, si ça part vite ou lentement, j’ai aucun problème avec ça. Je me sens à l'aise dans les deux situations.

Maxime

Puis une cinquième course qui s’est passée où ?

Kevin

À Nashville, je retournais dans l'est. Ça, c'était trois jours après l'autre. Donc pour le repos, c'était pas idéal. J'étais dans la vague forte, donc c'était une vague. C'est la vague la plus relevée de toute ma vie. Il y avait une machine Clayton Murphy, Nick Willis, William Paulson, Rob Napolitano, donc tous des coureurs très, très, très talentueux.

Maxime

Nick Willis il a fait les Olympiques plusieurs fois quand même. Puis je pense pas que tu auras l’occasion de faire beaucoup de courses contre lui.

Kevin

Je pense qu'il y a 38 ans, il est encore très en forme. Malheureusement, il m'a battu lors de cette course. Donc ça, c’était la course la plus relevée que j’ai eu l'occasion de courir. C'était censé partir pour les standards olympiques 3:34.99. C’est parti vite le premier tour en 55 secondes pour les meneurs, moi c'était 56-57. Par contre, dès que le lièvre a arrêté, tous les coureurs ont juste mis les freins, puis ça l'a vraiment vraiment ralenti.

Kevin

Les conditions n'étaient pas idéales non plus. Il ventait un peu et il faisait très, très chaud. Donc je pense qu'au final, les athlètes ils voulaient se garder pour d'autres opportunités, donc lorsqu'une course se gagne en 3:38 par Clayton Murphy, j’ai pas de chance. Je ne peux pas aller faire un record personnel dans cette course-là. Au final, j'ai quand même su faire preuve de constance. J'ai couru trois fois, 3min40 donc j'étais très constant lors de mes cinq performances. Puis j'ai quand même très satisfait.

Maxime

C’est assez impressionnant le niveau que tu as gardé, tu étais toujours autour de 3min40, tu as fait ton 3:39 quelque chose qui a changé la donne aussi. Est-ce que tu avais une idée du temps que tu allais faire à peu près puisque tu n'avais pas racé depuis longtemps, puis, même si à l'entraînement, j'imagine que tu roulais bien, c'est pas toujours évident de savoir.

Kevin

C'est sûr que l'objectif depuis longtemps, c'est de briser la barrière des 3:40. On a eu une approche assez différente par rapport aux entraînements. On a fait beaucoup plus de volume cette année, puis on mettait surtout l'emphase sur la fin des entraînements. Donc à la fin des entraînements, on faisait des répétitions assez rapides, des 400 mètres rapides, des 200 des 300. Donc, ça m'a vraiment mis en confiance. Puis moi, j'ai eu la chance, dans le fond, de partir un mois en Colombie-Britannique au mois de mars, donc ça m'a vraiment aidé.

Kevin

J'ai pu avoir accès à une piste extérieure, puis un gymnase. Je pense que ce sont vraiment des avantages qui m'ont avantagé. Puis, j'étais vraiment chanceux. Par la suite, lorsque je revenais à Montréal, par contre, les conditions étaient horribles. Il neigeait, il faisait pas beau, donc, juste avant mon départ pour les États-Unis, ça n'a pas été les meilleurs à l'entraînement. Mais au final, je me rappelais que le plus gros travail avait déjà été fait. Fallait juste que je me fasse confiance.

Maxime

Puis le camp d'entraînement, j'imagine que tu t'es un peu entraîné avec Charles, il y avait aussi Thomas j’imagine, et d'autres athlètes québécois, est-ce que tu t'es entraîné avec eux un peu ou est-ce que tu avais une autre gang ?

Kevin

Nous, on était plutôt dans une autre gang, il y avait moi, Mohand, Zack, Hazard un sprinter, puis il y avait Carlos Vargas puis Perry. Carlos lui il est universitaire, puis il y a des règles assez strictes dans la NCAA donc on n’avait pas le droit de s’entrainer avec l’équipe universitaire, donc la majorité de mes entraînements, je les faisais avec Perry Mackinnon.

Kevin

C’est un coureur de 5000m/10000m qui a fait un excellent demi-marathon là-bas, donc on avait vraiment une belle complicité. Donc, lorsqu'on faisait plus du long il me tirait, lorsqu'on est arrivé sur la piste c’est moi qui le tirait, donc on avait vraiment une belle complicité. C'était vraiment le fun de s'entraîner avec lui. Sinon, j'ai eu l'occasion de faire un entraînement avec tout le monde. Dans le fond, avec toute la gang, dont Charles Philibert-Thiboutot. Je dirais que c'est vraiment mon meilleur entraînement de l'année.

Maxime

Raconte ton entraînement ! Je suis sûr que les gens ont envie de savoir. Les geeks des chiffres.

Kevin

Donc c'était 5x300 mètres, pace 1500m. Ça tournait autour de 43 secondes aux 300 mètres, les repos exacts je m’en rappelle plus. Je vais pouvoir te les donner tantôt si ça t'intéresse. C'était environ 1’30, 1’40, puis par la suite, on avait 4x400 mètres pace 1000m, mais lors de cette journée-là, c'était clairement pas du pace 1000m, on faisait de 55 secondes.

Maxime

C'est solide, c'est un gros plus vite que ton finish mais quatre fois d'affilée. Puis là, vous aviez quoi comme genre de récup? Autour de deux minutes ?

Kevin

Deux ou trois, puis à la fin de l'entraînement, on avait 2x300 rapide, donc j'avais fait 38 et 39.

Maxime

C'est quoi comme pace ça 38, c’est du 2:20/km ?

Kevin

Ah non beaucoup plus vite que ça.

Maxime

J’avoue que ce sont vraiment des pace que je n’ai pas l’habitude de côtoyer, tu vois moi un 45 secondes au 300m oui, mais une fois que tu baisses sous les 40’ c’est compliqué.

Kevin

Ouais, c'est ça. Je pense que c’est vraiment rapide parce que ça donne plus ou moins 52sec ou 400. Ouais, c'est pas mal plus vite.

Maxime

Du 2:10/km peut-être. En tout cas, ça, c'est un vrai entraînement de vitesse. J'imagine, c'est pas tous les jours que vous faites ce genre d'entraînement là.

Kevin

Non, mais dans le fond, on était pas mal tous des athlètes de haut niveau dont on se partageait les répétitions. C'est sûr qu'il y a Charles en a pris un petit peu plus, vu qu’il est meilleur que mous on ne va pas se mentir, mais sinon, j'en ai pris une coupe en avant, tout le monde se partageait les répétitions.

Maxime

Et en même temps, c'est vrai que si on regarde pragmatiquement vos temps cette saison tu es à 3 secondes de lui en moyenne, 3 secondes sur 1500, ça peut paraître beaucoup. Mais en même temps, rappelle-moi ton âge, t'es né dans les années 2000, si je me trompe pas.  

Kevin

Je suis né en 1998, mais j'ai 22 ans.

Maxime

OK, t'es pas loin des années 2000. C'est ce que je pensais, donc t’as 22 ans, tu es super jeune, tu as 10 ans de moins que Charles. T'as beaucoup de temps encore pour développer, la relève québécoise. C’est un bon exemple d'entrainement à ne pas reproduire chez vous si vous tenez vos jambes. Sérieusement, ce sont des entraînements que tu peux faire qu’après des années et des années de développement, parce qu’il faut que ton corps les encaisse.

Maxime

J’imagine que vous avez mis les spikes sur une grosse partie de l'entraînement.

Kevin

Oui pour cet entraînement-là j’ai mis les spikes, tout l’entrainement, de A à Z. Oui, je savais que ça allait être un gros entrainement donc …

Maxime

Puis, en parlant de Spike, je pense que cette saison, tu as essayé des nouveaux souliers, si je ne dis pas de bêtises. Des dragonfly ?

Kevin

Exactement.

Maxime

Qu'est-ce que tu en as pensé?

Kevin

Que j'ai réussi à obtenir une part de dragonfly puis par la suite j’ai vu que sur le marché, il y avait aussi les Victory qui étaient disponibles. Donc, j'ai acheté les deux. Puis, au début, j'ai été un petit peu indécis par rapport à quelle part de Spike j'allais courir en compétition et j'ai essayé les deux, je pense si on se fit juste aux séances, je pense que les victory sont un petit peu plus réactives au sol et sont censées donner un meilleur retour d'énergie.

Kevin

Par contre, je trouvais que pour mon pied à moi les dragonfly étaient un meilleur fit, donc j’ai fait mes 5 compétitions avec les dragonfly. Puis je dirais que le changement majeur, c'est qu’on a vraiment une plaque en avant qui réellement réactive, donc chaque foulée au sol, on le sent. On se sent vraiment léger lorsqu'on court. Je ne pourrais pas dire qu'on court nécessairement plus les dragonfly, mais un élément que j'ai remarqué, c'est qu'on est moins courbaturés le lendemain.

Kevin

Donc ça nous permet d'enchaîner plus d'entraînements, plus de compétition dans un court délai. Donc, je pense que c'est vraiment ça l'avantage d’avoir ce type de chaussure.

Maxime

Intéressant, parce que je pense que c'est ce que j'ai aussi remarqué avec les next%. J'ai l'impression que pour le coup, moi, elles m’aident un peu sur du 5k ou 10k Je ne dirais pas beaucoup, mais c'est une poignée de secondes, ce qui est déjà beaucoup en général à nos niveaux. Mais ce que j'ai remarqué surtout, c'est que le lendemain, je pouvais jogger rapidement et que je ne sentais pas musculairement plus de courbatures que ça.

Maxime

Et je pense que c'est là où vraiment elles sont. Je sais que certains coureurs comme Jakob et tous ceux qui sont sponso par Nike ou même Jimmy Gressier, etc. Ils courent tous leur entraînement avec les nouvelles Nike maintenant, ils le disent souvent quand ils font des grosses semaines, c'est beaucoup plus facile d'encaisser le volume. Est-ce que toi, tu utilises des chaussures avec une technologie similaire sur tes jogs ou tes séances?

Kevin

Euh non, pour mes souliers de jog, je jog avec des souliers très ordinaires. Rien de farfelu. Sinon, je me suis acheté 4%, donc la version antérieure des vaporfly. Ouais, donc, les anciens. Puis je les utilisais principalement pour les tempos, mais je n'en ai pas fait beaucoup dans les dernières semaines, donc je ne les avais même pas amenés aux États-Unis parce que je n'avais pas de place dans ma valise. Sinon, je courais juste avec une paire de flat normale sur la piste.

Maxime

Maintenant, j'aimerais bien revenir vite fait sur l'entrainement. Tu me parlais que vous avez pratiqué un peu plus de vitesse en fin de séance pour progresser là-dedans, te donner confiance, et aussi physiologiquement, j’imagine, c'est quelque chose que tu ne faisais pas nécessairement avant ?

Kevin

Honnêtement, mon plan d'entraînement, je trouve cette année était complètement différente des autres années. On a vraiment mis l'emphase au début de saison plus sur les entraînements de long, on se préparait préparer pour un 3000 mètres qui n'a jamais eu lieu finalement. Donc j’ai rentré beaucoup plus de kilomètres par semaine. Je faisais vraiment des entraînements de longs donc j'étais vraiment en excellente forme pour du 3 kilos, du 5 kilos. Je me sentais vraiment à l'aise sur une distance qui était plus longue qu’auparavant je n'étais pas capable de faire.

Kevin

Avant dès qu'on sortait plus haut que 2000 mètres, c'était plus difficile pour moi. Je trouvais que c’était long. Au final, au fil des semaines, j'ai vraiment pris confiance en mes capacités. Et puis, à force de courir plus de 100 km par semaine durant deux mois et demi, trois mois, c'est sûr qu'au final, on a vu les …

Maxime

Grosse progression tu penses grâce volume, moi j'adore, en plus, maintenant, tu es sur Strava, ça fait pas si longtemps que ça. Du coup, je suis toujours intéressé par un peu comparer les différents entraînements selon les distances et selon les profils. Puis, c'est vrai que vous, dans votre club, vous avez une approche qui n’est pas très axée sur le volume, vous êtes tous des coureurs de haut niveau, donc on pourrait s'attendre à ce que vous couriez des kilométrages énormes comme certains coureurs de 1500m le font.

Maxime

Je pense qu'encore une fois, les Ingebrigtsen courent au-dessus de 160 km dans la basse saison, mais vous, vous êtes rarement au-dessus de 100, 110k. Je t'ai vu courir plus de 110k 120k. Je pense que c'est arrivé quelques fois, mais c'est très rare. C'est plus de l'intensité. Pourquoi avoir changé un peu? Est-ce que vous pensiez que c'était le next step pour toi?

Kevin

Ça faisait longtemps qu'on disait qu’on voulait augmenter le kilométrage. Puis, dans le fond, vu la pandémie, c'était vraiment le bon moment d'essayer. Donc, directement, dès 2020, il y avait peu de compétition en vue, donc on a vraiment pu travailler sur plusieurs choses. Au départ, j'ai jamais été une personne qui faisait beaucoup de kilométrage par semaine. Donc, ça m'a pris plusieurs semaines pour m'adapter. Au départ, lorsque je faisais que 100k par semaine, on faisait seulement deux entraînements d'intensité, puis plus que je me sentais à l'aise plus qu’on a commencé à mettre 3 séances d’intensité plus 100 kilos par semaine.

Kevin

Puis, au final, mon corps réagissait bien, donc on a continué de la sorte. Puis j'ai réalisé aussi que lorsqu'on court du long en début de saison, la transition vers le court s'effectue super bien, c’est magique. C'est vraiment plus facile. C'est un petit peu étrange au départ, qu’en courant du long tu vas courir plus vite sur du court. C'est un petit peu contradictoire dans notre esprit, mais au final, ça marche super bien.

Kevin

Puis, j'ai réussi à faire des belles performances. En 2019, lorsque j’avais appliqué la même méthodologie, on l'a essayé, mais présentement, moi, je pense que ça va être ça dans les prochaines années à venir, faire plus du long durant l'hiver. Puis, par la suite, plus on va se rapprocher des compétitions plus on va réduire le volume.

Maxime

Mais c'est vrai que quand tu vois bon, je vais être pénible, je n'arrête pas de référer aux mêmes coureurs, mais quand tu vois un Jakob qui est capable de courir 27, je ne sais plus combien 27 minutes au 10k, mais qu'il est aussi capable de courir 3:28, que c'est pas un gars qui est le plus rapide sur 400. Si tu regardes, c’est temps sur 400m c'est pas incroyable du tout, mais j'ai l'impression que c'est des coureurs qui sont plus orientés vers l'endurance tout en ayant une vitesse très acceptable.

Maxime

Sur 800m, je pense qu'il serait loin d'être dans les meilleurs Jakob. Et je suis sûr que s'il faisait un semi-marathon puis ça, c'est sans physiologistes qu'il le disait. Le physiologiste qui est avec Jacob et toute la famille depuis des années, son physiologiste disait qu'il serait possible qu'il fasse une heure au semi-marathon, puis une heure c’est un temps qui est vraiment solide. Si tu en fais 2, bah, tu fais 2 heures au marathon, puis tu fais à peu près le temps que Kipchoge a fait avec Nike.

Maxime

C'est vrai qu'il y a des évidences qui montrent ça et en même temps, il y a des coureurs qui performent super bien sur 1500 avec très peu de volume. J'ai l'impression que la différence, c'est que tu es moins polyvalent quand tu cours moins de volume. Toi, par exemple, si demain tu veux faire un 10 000 ou un 5 000 avec plus de volume, ben tu vas plus te rapprocher d'une équivalence de ton 1500. Mais en même temps, toi aujourd’hui, si on regarde ton 1500, tu devrais courir sub 28, j'imagine. Est-ce que tu es capable de faire ça?

Kevin

Sub 28 demain main ya aucune chance que je fasse ça. Je n’ai pas le mental pour faire du 10k sur piste. Aucune chance demain matin. Par contre, ça fait plusieurs années que mon entraîneur et moi, on parle de faire un 5 km sur piste, donc sur 5km je pense que je me sentirai assez en confiance. J'ai rentré des bons entrainements de longs avant ma tournée de compétition, puis le volume c’est sur qu’il a baissé les dernières semaines.

Kevin

J'ai enchaîné beaucoup de courses, mais sinon je pense que je me me sens prêt. Je pense que je pourrais être compétitif sur 5000m.

Maxime

On aimerait vraiment voir ça. Là, ce qui me dit mon calculateur. Mais attention, il faut prendre avec des pincettes. Ta performance de 3 :39, ça équivaut à 13:36. Donc, tu vois, c'est pas mal. Est-ce que tu as déjà couru sous les 14min, enfin tu as presque jamais fait de 5000m ?

Kevin

Jamais sur piste non.

Maxime

Tu pourrais peut être cassé le sub14 à ton premier 5000, ce qui n’est quand même pas dégueulasse. Sur marathon tu vaux 2h10.30, j’espère que tu seras content de le savoir, c'est le standard olympique qui a 2h11.3. Sur 3000m j’ai vu quand même que tu avais fait un bon 3000m.

Kevin

C'était en 2019 à Boston un 8:03 complètement tout seul.

Maxime

Ce qui est quand même vraiment bon, sous les 8 minutes y'a pas beaucoup de gars qui font ça au Canada.

Kevin

C'est ça, donc le 17 avril cette année, on était censé courir un 3000 mètres en Colombie-Britannique, mais à cause des restrictions sanitaires, ça a été annulé. Mais c'est sûr que l'objectif était de courir 7:50 lors de cette compétition.

Maxime

Au niveau du repos. Là, tu viens de finir une grosse saison qui a dû t’épuiser autant mentalement que physiquement. C'est quoi votre plan? Est-ce que tu prends une pause totale? Est-ce que c'est du cross training? Tu peux m'expliquer un peu ?

Kevin

Oui, étant donné que ma saison n'est pas encore terminée, le 27 juin, je vais courir aux championnats canadiens. Par la suite, le 29 juin, je vais courir au à la Classique de Montréal. C'est sûr qu’on n’est pas en repos total. Donc présentement, je suis en quarantaine, donc c'est sûr que les conditions ne sont pas optimales pour s'entraîner. Mais on garde le focus, on fait du maintien à la maison.

Maxime

Donc là ta saison finira fin juin, juillet en gros. Puis vous faites quoi entre les saisons en général?

Kevin

Dans une saison typique habituellement, j’ai un deux semaines de repos complet, complet, complet. Je ne fais rien du tout. On peut jogger si on veut mais on n'a pas de planification ni rien donc c'est vraiment juste pour se changer les idées. Par la suite, après ça, on a une semaine de jogging tranquille, un jogging sur deux jours. Après, ça recommence. Mais si je me fie aux anciennes planifications des années précédentes, les premières semaines sont vraiment relax.

Kevin

On est à 40, 45 kilos par semaine, donc ce n’est vraiment rien là.

Maxime

Puis comment tu vis cette période. Moi, je prends mon exemple, en ce moment, je fais exactement ça. Je prends deux semaines, deux fois par an, où je ne cours plus du tout. Puis là, c'est super important que je cours plus du tout pour moi, parce que c'est pas physique, c’est mental. J'ai besoin de sortir la course un temps de ma vie parce qu'on le veuille ou non, quand on double presque tous les jours, qu’on fait beaucoup de kilos, la course prend vraiment du temps, puis juste de plus en avoir, je suis super content perso à chaque fois. Est-ce que toi, tu le prends bien? Est-ce que tu es en mode « Je vais perdre de la forme c'est plate. » ?

 Kevin

Oui, c'est sûr que les premiers jours, c'est quand même un gros soulagement, comme tu le dis, on s’entraine beaucoup. Puis au final, c'est la bonne chose à faire, mes saisons sont extrêmement longues. Avant, je faisais la saison intérieure. J'allais souvent en camp d'entraînement ou en compétition en Europe, je revenais pour les championnats canadiens, donc au final, à la fin de la saison, j'étais complètement brûlé. Un repos s'imposait donc. Par contre, j'ai réalisé que moi, il est préférable que je reste un peu actif, même si je ne fais pas de course, que j'aille jouer au soccer ou faire d'autres activités physiques parce que j'ai réalisé que je perdais quand même ma forme assez vite.

Kevin

Après ça, donc, je quand même forme assez vite, mais ça me prend quand même du temps pour bâtir une forme, mais lorsque que je l’ai ma forme, je peux la conserver très longtemps. Donc, c'est un peu spécial. Ouais, puis c’est sûr que le kilométrage a joué un grand rôle. Plus que je cours du kilométrage, plus je vais être capable de la conserver longtemps.

Maxime
c'est ce que j'ai l'impression. J'ai l'impression que plus tu fais du volume et moins tu perds en finale rapidement ton niveau aussi, comme si c'était de l'argent que tu mettais à la banque. Et du coup, tes intérêts travaillent pour toi. Je sais pas si ma métaphore est bonne …

Kevin

Non je la comprends et je pense que tu as raison. C'est sûr que moi le premier mois d’entrainement, je ne vais pas être en bonne forme. Il y a plusieurs de mes coéquipiers qui vont être capables de me battre dans les tempo, dans les affaires.

Maxime

Puis tu es correct avec ça ? Ce n’est pas toujours facile. Je sais par expérience que j'aime pas ça avoir des partenaires d'entrainement devant moi, mais quand je vais revenir, je vais devoir accepter que pendant un mois, ça ne serait pas une bonne idée de partir devant. Tu pourrais partir devant, mais tu serais cote 8 ou 9 à l’entraînement, puis ce n’est pas ce que tu veux en transition. Toi, comment tu le vis ? Es-tu correct de laisser passer ou ya une petite partie de toi qui dit « J'ai hâte de revenir à mon état de forme. ».

Kevin

Je dirais que je suis assez confortable avec ça, ça fait plusieurs années que je cours et c'est comme ça à chaque début de saison, donc ça ne sert à rien de précipiter les choses, puis d'arriver à mon pic de performance trop tôt dans la saison, j’ai des objectifs plus tard dans la saison. Des gros objectifs, donc ça ne sert à rien de me brûler au début, je fais confiance à la planification puis oé c’est ça …

Maxime

Est-ce qu’on pourrait te voir en cross-country ? Il te reste des années d'études, tu en es où ?

Kevin

J’ai gradué l'Université de Montréal en 2020, donc j'ai effectué un baccalauréat en droit. Par la suite, à l'automne, je me suis inscrit à la formation professionnelle de l'École du Barreau. Présentement, j'ai réussi l'examen théorique, donc il me reste un stage de six mois, un stage que je vais effectuer cet automne, dans lequel j'allais débuter au mois de septembre, puis va se terminer au mois de mars.

Kevin

Donc, en théorie, je ne suis plus sur le circuit universitaire, donc je risque de faire du cross-country ou des courses sur route, juste pour le plaisir. Mais c'est sûr que je ne ferai pas le circuit complet. On va cibler quelques courses qui, selon nous, vont être pertinentes. Sinon, je pense que ça va vraiment être de mettre l'emphase sur un bon 5000m ou 3000 mètres assez tôt en saison. Puis par la suite surement, faire des transitions vers des miles car ça rapporte beaucoup de points IAAF.

Maxime

Est-ce qu’il y a un coin de toi qui y pense, j'imagine oui aux JO c'est sûr, parce que t'es pas loin du standard. Mais en même temps pas ces JO-là j'imagine, il te manque une petite affaire. Est-ce que c'est quelque chose auquel tu penses souvent et qui te motive? Ou est-ce que c'est quelque chose que t'as dans un coin de ta tête et tu dis si ça arrivera, ça arrivera. C’est quelle position que tu as par rapport à ça ?

Kevin

Par rapport aux JO de cette année, c'est sûr que c'est la deuxième option. Je savais que ma progression était bonne, mais je ne voulais vraiment pas me mettre de pression par rapport à ça. Puis, dans toutes les courses, je suis arrivé avec un état d'esprit assez sain. J'étais juste vraiment confortable, confiant. J'avais hâte de courir, puis ça ne servait à rien de m’imposer du stress supplémentaire. Donc, c'est sûr que les J.O. c'était juste dans un coin de ma tête.

Kevin

Là, ça sera le fun, mais sans réellement y croire. Par contre, lorsque j'ai fait 3:39, je vois que j'ai encore trois années devant moi. Là, c'est sûr que ça joue un peu plus dans ma tête, je sais que si toutes les étoiles s’alignent, je pourrais espérer être sélectionné en 2024. mais je ne me lève pas le matin en disant que dans 3 ans je vais aux Jeux olympiques, je dois baisser mes chronos, puis juste rester en santé, puis j’ai d’autres choses à améliorer avant de pouvoir espérer être sélectionné.

Maxime

C'est comme si tout le travail que tu vas faire pour les J.O seraient une conséquence de tout ça si tu le fais bien. Mais chercher les JO directement ne va pas nécessairement t’amener à les avoir plus vite, à part te mettre plus de pression, en tout cas si je comprends ce que tu dis, puis ça fait beaucoup de sens pour moi par rapport à tout ce qu'on connait en psychologie.

Kevin

Exactement.

Maxime

Merci beaucoup, Kevin, de nous avoir accordé cette entrevue. J'espère te recevoir une prochaine fois pour parler des autres choses, puis en attendant un bon repos. Puis on va te suivre sur 3000 et 5000. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ont envie de te voir courir de plus longues distances. Moi compris. Merci.

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