La coupure annuelle : évitée pourtant indispensable

Prendre une longue pause entre mes saisons, c’est la décision la plus intelligente que j’ai jamais prise. Il m’a pourtant fallu 4 ans pour le comprendre. Dans cet article je vais essayer de vous convaincre que la coupure annuelle c’est peut-être le petit truc qu’il vous manquait pour atteindre vos objectifs ambitieux.

Pourquoi prendre une pause ?

Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’enchainer les kilomètres génère de la fatigue, n'est-ce pas ? Mais savez-vous qu’il existe au moins 4 types de fatigue ? Dans son livre Rest is the New Sport, Jef Geys nous parle de fatigue physique, mentale, hormonale et métabolique. Le but de la coupure annuelle est simple : repartir avec un corps frais et en santé.

La Fatigue Physique

C’est la fatigue que tout le monde connait. Après des mois d’entrainement intensifs, les kilomètres ont mis à mal vos muscles, vos tendons, vos articulations et même vos os. La course génère également des microtraumatismes que seul le temps peut guérir.

La Fatigue Mentale (sous-estimée)

La course à pied demande énormément de volonté ce qui place les coureurs à haut risque de fatigue mentale voire de burnout. La fatigue mentale est un état psychobiologique bien réelle causé par une longue période d'activité cognitive exigeante.

Des dizaines d’études scientifiques ont démontré l’impact négatif de la fatigue mentale sur la performance sportive, et notamment dans les sports d’endurance.

L’explication est simple, quand un coureur devient trop fatigué mentalement, sa perception de l’effort augmente, il n’est donc plus capable de pousser autant. Or la progression en course à pied repose sur une forte motivation qui vous permet de pousser assez fort à l’entrainement pour générer des adaptations physiologiques.

Mais ce n’est pas tout. La fatigue mentale impacte également, l’humeur, la motivation, le bien-être et le plaisir à l’entrainement. Il est donc impossible d’espérer dépasser vos limites si vous ne commencez par votre saison 100% frais. D’ailleurs, avez-vous déjà remarqué le nombre d’athlètes qui explosent leurs records après une longue période de blessure ? 😏

D’autres types de fatigue …

Ne rentrons pas dans les détails, mais sachez qu’il existe une fatigue hormonale c’est-à-dire de la glande thyroïde qui serait assez fréquente chez les coureurs selon cette étude. Et finalement une fatigue métabolique qui correspond à une fatigue musculaire.

Pourquoi c’est si dur de prendre une pause ?

  • J’ai peur de perdre ma forme, de me désentrainer

Physiologiquement parlant, vous ne perdez rien - ou presque - durant les 5 premiers jours de pause, puis votre fitness baissera lentement jour après jour. Après 2 semaines de coupure, il vous faudra environ 1 mois pour retrouver votre niveau d’avant. Toutefois, les coureurs rapides ou ayant accumulé beaucoup de kilomètres semblent moins touchés par le désentrainement.

En fait, des chercheurs suggèrent que c’est avant tout le système nerveux et le mental qui se désentrainent, ce qui explique pourquoi nous pensons avoir perdu notre forme après seulement 1 semaine de repos. Pour les curieux, voici un excellent article sur le désentrainement.

  • J’ai peur de perdre ma motivation.

Votre motivation sera plus grande à votre retour, croyez-moi !

  • J’ai peur de prendre du poids.

Le poids doit-être periodiser. Il est d’ailleurs recommandé de se remplumer entre les saisons afin d’éviter les blessures et de repartir sur des bases saines. Bernard Lagat était fier de raconter comment il prenait 10 lbs après son repos annuel.

  • J’ai peur de perdre mon équilibre de vie.

C’est vrai, arrêter de courir peut créer un déséquilibre et parfois même un stress. Mais posez-vous cette question simple : Que penseriez-vous de votre ami cycliste s’il n’était pas capable de prendre 2 semaines de repos ? (lire mon article sur la passion obsessive).

  • J’ai peur de perdre le contact avec mes partenaires d’entrainement.

La coupure c’est l’occasion de proposer d’autres activités à vos partenaires : un restaurant, une rando, un apéro ? Ça change et ça renforce les liens.

  • Je ne suis pas convaincu de l’utilité d’une coupure.

Peut-être changerez-vous d’avis après avoir lu cet article !

10 Signes qui ne Trompent Pas

La frontière entre « peak shape » et surentrainement est mince. Voici 10 signes que j’ai listés au fil des années indiquant qu’il est sûrement temps de faire une pause.

Étude de Cas : mes 2 dernières saisons

SAISON 2019

L’année 2019 a été marquée par plusieurs records personnels au 10k et au 21k.

Observation #1
Ces 2 records ont été établis après 2 semaines de coupure totale puis 28 semaines d’entrainement consécutives.

Observation #2
J’ai réalisé 2 contre-performances après ces 2 records. Le constat est clair : ne pas avoir pris de coupure a induit un effet plateau.

Saisons 2020

Après mon premier marathon fin 2019 et 2 contre-performances, j’ai pris 2 semaines de coupure totale. À mon retour, nous avons considérablement augmenté l’intensité à l’entrainement.

Résultat : J’ai réalisé un gros record personnel au 10k après 2 semaines de repos et seulement 9 semaines d’entrainement.

Puis une blessure au genou m’a immobilisé pendant 9 semaines.

Et de nouveau un record personnel au 5k après 15 semaines d’entrainement et plus de progressivité cette fois-ci.

4 leçons à tirer :

1 / Les coupures mènent toujours à des records personnels (du moins dans mon cas).

2/ Les records personnels arrivent toujours après une longue période d’entrainement ininterrompue.

3/ Plus l’intensité est élevée plus vite arrivent les records personnels, mais aussi les blessures / fatigue.

4/ La seule saison prolongée sans coupure (fin 2019) a mené à 2 contre-performances.

Durée d’un cycle d’entrainement ?

Selon mon expérience, la durée optimale d’une saison se situe entre 15 et 25 semaines avec les meilleurs chronos souvent réalisés dans les 5 dernières semaines.

Cette durée dépend de plusieurs facteurs :

1/ Votre expérience en tant que coureur.

2/ La progressivité dans l’augmentation de la charge d’entrainement.

  • Mes longues saisons se caractérisent par une augmentation très progressive de la charge d’entraînement.

3/ Votre niveau de récupération (sommeil, nutrition, mental, etc).

4/ Le volume.

5/ L’intensité.

Durée de la coupure ?

Elle doit être individualisée pour chaque athlète, voici quelques facteurs à considérer :

  • Quand sont les prochaines compétitions importantes ?

  • L’athlète s’est-il blessé durant les derniers mois ?

  • Dans quel état de fatigue était l’athlète en fin de saison ?

  • Quelle a été la progression de l’athlète lors de la dernière saison ?

Selon moi, la durée minimale d’une coupure devrait être de 10 jours, alors que la durée optimale se situe probablement entre 2 semaines et 4 semaines. Personnellement j’aime prendre 2 semaines 2 fois par an. Mais le meilleur moment pour revenir c’est quand vous ressentez cette envie irrépréssible de courir !

La méthode « Alberto Salazar » (ma préférée)

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Alberto Salazar n’est certes pas réputé pour ménager ses athlètes, mais sa philosophie d’entrainement a bien fonctionné pour Mo Farah et Galen Rupp qui ont été relativement peu blessés. Je trouve cette périodisation intelligente. Elle a d’ailleurs bien marché pour moi.

« Nous travaillons sur deux cycles de 20 semaines, donc cela fait 40 semaines. Vous vous demandez où passent les 12 autres semaines? Après chaque cycle de 20 semaines, nous avons une période de 2 semaines de repos total, puis nous avons 2 semaines de jogging léger. Cela fait donc 4 semaines de récupération après chaque cycle, puis nous avons encore 2 semaines d’entraînement modéré, puis nous revenons à l’entraînement intensif. »

Que font les élites ?

Kipchoge
3 semaines à 1 mois sans course.

Bernard Lagat
5 semaines sans course. « J'en prends cinq. Je ne fais rien, je mange et je joue avec mes enfants. »

Mo Farah et Galen Rupp
Ils prennent 4 semaines (2 x 2 semaines) sans courir.

David Rudisha
Recordman du 800m 1:40.91 prenait 6 à 12 semaines complètement off chaque année.

Usain Bolt
Prendrait entre 4 et 8 semaines de congé, selon l'année. L'entraîneur Glen Mills a mentionné lors d'une conférence en Jamaïque en 2010 que Bolt avait tendance à avoir besoin d'au moins un mois de congé après chaque saison pour récupérer (principalement mentalement) et que si l'année suivante n'incluait pas de Championnats du monde olympiques, c’était plutôt 2 mois de congé.

Finalement, l'équipe Sweat Elite a demandé à 20 athlètes élites dans les épreuves allant du 400 m au marathon combien de temps durait leur pause de fin de saison. Parmi ces athlètes, la pause la plus courte était de 1,5 semaine et la plus longue de 5 semaines. La période de repos moyenne était de 19 jours !

6 choses à faire pendant votre coupure

  1. Un bilan sanguin
    La fin de saison est le moment idéal pour faire un bilan sanguin. Cela vous permettra de connaitre l’effet d’une saison sur vos taux de vitamines et minéraux et notamment l’état de votre fer.

  2. Un bilan de votre saison
    Quels ont été les points forts ? Les points faibles ? Je vous encourage à tout noter dans un carnet. Ce sont de précieuses informations qui vous permettront d’optimiser votre prochain cycle.

  3. Investir du temps dans une autre passion
    Rappelez-vous le nombre de fois où vous avez fait passer la course avant ce chalet entre amis, ou ce ciné tard le soir. La coupure annuelle c’est enfin le moment pour faire les choses que vous n’avez pas le temps de faire d’habitude, dans mon cas ça me permet d’avancer mon blog et de sortir avec ma blonde !

  4. Investir du temps avec vos proches
    Quand les coureurs ne sont pas occupés, ils sont fatigués, et c’est vos proches qui en paient le prix. Pourquoi ne pas profiter de votre coupure pour passer du temps de qualité avec votre entourage ?

  5. Prendre du recul sur votre motivation

    Les coureurs ont souvent la tête dans le guidon. Nous avons une envie insatiable de records personnels ce qui nous empêche parfois d’avoir le recul nécessaire. La coupure annuelle c’est le moment idéal pour faire le point sur votre type d’engagement (j’en parle dans cet article sur la passion obsessive vs. harmonieuse).

  6. Redéfinir vos objectifs

    C’est aussi le moment idéal pour s’assoir avec votre coach et redéfinir vos objectifs. Cela va vous donner un énorme boost de motivation.

Alors … Prêt à faire le plein ?

Des conseils avancés pour te perfectionner en course

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