L’étrange rôle des souvenirs en course à pied

Une grande partie des gens ignore l’impact que leur passé peut avoir sur leur présent et leur futur. J’étudie la psychologie depuis maintenant 8 ans, j’ai récolté plus de 800 souvenirs de coureurs, et j’aimerais vous expliquer pourquoi votre passé peut impacter vos chances de réussite en course à pied.

Lentement mais surement le temps passe et nos souvenirs sont la seule preuve de ce que nous avons vécu.

Dans cet excellent extrait, Don Draper, personnage principal de la série Madmen, se sert de cette idée nostalgique du passé pour vendre le carousel, une vraie machine à remontrer le temps qui permet de projeter des diapositives.

Ces souvenirs qui nous marquent pour la vie (ou presque)

Certains événements laisseront des traces indélébiles dans votre mémoire.

La première raison c’est parce que ces événements suscitent des émotions fortes, comme de la colère, de la tristesse ou de la honte. La deuxième c’est que ces événements sont en lien avec des objectifs de vie qui vous sont chers.

C’est pour cela que vous vous souvenez aussi clairement de vos courses décevantes et de vos échecs. Ces courses vous ont empêché de réussir à la hauteur de vos espérances, vous les détestez, pourtant vous les gardez précieusement en mémoire, peut-être même sans le savoir.

La force de l’inconscient

Un souvenir peut s’activer en mémoire de façon consciente, par exemple lorsque vous le racontez à un ami :

Tu te souviens de Boston 2018 ? Mon Dieu, quelle tempête violente, et le mur du 30ᵉ kilomètre, outch ...

Mais le truc vraiment incroyable, c’est que le plus souvent, nos souvenirs s’activent inconsciemment. Oui oui ! Nous n’avons pas toujours conscience de ce qui se passe dans notre cerveau, et cela va avoir des conséquences importantes.

Un de mes souvenirs de course parmi tant d’autres

Un de mes souvenirs de course parmi tant d’autres

Maintenant que vous êtes un expert des souvenirs, il y a une dernière chose que vous devez savoir.

Notre cerveau fonctionne par association. Sa grande passion, c’est de lier des éléments qui se ressemblent.

Il peut s’agir d’éléments de notre environnement physique (une chaise, une personne, un son), ou bien des éléments mentaux (une idée, une image, un souvenir).

Cette fonction nous permet de savoir qu’une chaise est bien une chaise parce qu’elle ressemble au prototype d’une chaise. Elle vous permet également de reconnaitre votre père, votre mère, ou votre conjointe parmi des dizaines de personnes.

Ce principe d’association n’est cependant pas sans danger.

Repensez à votre dernière rupture amoureuse, et supposons que durant cette période vous écoutiez Someone Like You d'Adèle en boucle. Cette mélodie est désormais liée à cet événement douloureux et activera de la tristesse, de la colère, ou que sais-je.

Maintenant, imaginez-vous quelques années plus tard, vous marchez en direction de votre premier rencart depuis des mois. Arrivé au bar, vous commandez une bière au serveur, et vous semblez avoir une réelle complicité avec cette belle inconnue. Tout se passe à merveille quand tout à coup, Someone Like You se met à jouer (bon j’avoue c’est bizarre). Vous êtes alors envahi par des doutes, de la tristesse, vous perdez confiance en vous, mais vous ne comprenez pas ce qui vous arrive. Votre rencart tombe à l’eau, et ce n’est que le lendemain que vous réalisez ce qui s’est réellement passé.
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Cette situation est plutôt légère, mais sachez que ça ne l’est pas toujours, notamment dans le cas d’événements traumatiques.

Cet exemple illustre un fait simple, mais puissant : le temps psychologique ne s’écoule pas à la même vitesse que le temps que nous connaissons. Repensez à comment un souvenir vieux de 10 ans ou plus peut vous (re)mettre les larmes aux yeux, ou vous rendre aussi fier qu’à l’époque. Ça si vous voulez mon avis, c’est incroyable.😵

Comment un souvenir d’enfance peut affecter votre présent

Des dizaines de milliers de pensées s’activent en vous tous les jours, dont un paquet sont en fait des souvenirs. Vous avez donc autant d’occasions de repenser à ces événements et cela n’est pas sans conséquence.

Les souvenirs sont comme des vagues. L’action répétée des vagues, surtout lors de fortes tempêtes, a pour effet de creuser les plages et la base des falaises. Les encoches créées à la base des falaises peuvent entraîner des effondrements de pierre ou des glissements de terrain.

Un souvenir négatif qui se réactive encore et encore peut engendrer 2 problèmes :

  1. Certains souvenirs douloureux non digérés peuvent activer des états émotionnels négatifs et affecter votre motivation, votre bien-être et même votre performance.

  2. Les souvenirs s’activent souvent de façon inconsciente, vous pouvez donc subir l’effet de ces événements marquants sans même le savoir.

Prenons l’exemple suivant : vous êtes en plein milieu de votre 5000m, vous commencez à être dans le dur, et sans vous en rendre compte, le vieux souvenir de votre père qui vous blâmait pour votre manque de talent après vos matchs de Hockey se réactive en arrière-plan de votre mémoire.

Comment savoir qu’un souvenir n’a pas été digéré ?

Les souvenirs non intégrés ont souvent une ou plusieurs caractéristiques :

  1. Ils évoquent de la colère.

  2. Nous les ressassons et les ruminons.

  3. Ils se réactivent fréquemment et de façon involontaire (on appelle ça des intrusions).

  4. Nous évitons volontairement de repenser à eux.

L’idée derrière l’iceberg de la colère est simple : vous pouvez ressentir de la colère dans votre vie de tous les jours simplement parce qu’un souvenir douloureux s’active sans que vous en ayez conscience.

La réflexivité : La marque des champions

La réflexivité ressemble à l’introspection et consiste à prendre le recul nécessaire pour s’interroger sur soi avec curiosité et objectivité. Cela permet de comprendre pourquoi un évènement nous affecte.

Plusieurs études scientifiques ont fait le lien entre ce mode de raisonnement et le fonctionnement psychologique optimal.

Prendre conscience de vos “démons” serait donc une avenue fertile.

Comment digérer son passé

Heureusement, les souvenirs ne sont pas des photos de la réalité, mais plutôt des interprétations subjectives qui peuvent être transformées.

Après la prise conscience, il semble que l’intégration de ces souvenirs soit la prochaine étape du processus.

Imaginez vos souvenirs comme une grande famille. Chaque relation est unique. Avec votre tante ça colle, vous passez de beaux moments, mais avec votre oncle c’est plus compliqué. Il vous fait des réflexions sur votre tenue et critique votre métier. Le but demeure toutefois d’essayer d’accueillir tout le monde avec ses forces et ses faiblesses pour demeurer une famille soudée.

Deux processus pour intégrer son passé

🙏 L’acceptation

Il est courant d’avoir honte de certains comportements ou de ressentir de la colère envers vous ou les autres. La recherche semble toutefois démontrer que le fait d’accepter qu’un évènement fasse partie de son passé mène au fonctionnement psychologique optimale.

Par exemple, quand j’étais plus jeune, j’ai eu des comportements de dépendance à la drogue. Aujourd’hui, je pourrais fermer les yeux sur cette période de vie ou en avoir honte. Toutefois, j’ai compris (et c’est ce que la science démontre), que refouler mon passé était contre-productif. La meilleure solution dans mon cas consistait plutôt à accueillir mes parts d’ombre avec bienveillance pour me sentir raccord avec moi-même.

💡 Tirer une leçon

I est souvent possible de tirer un apprentissage d’une expérience passée. Par exemple, repensez à votre père qui vous blâmait pour votre manque de talent après vos matchs de hockey.

Vous pourriez vous dire :

  • « J’ai compris que mon père avait lui aussi été critiqué durant son enfance, il reproduit donc un comportement du passé. »

  • « J’ai compris que mon père veut être fier de moi, mais il n’a pas trouvé de façon habile de me dire qu’il se faisait du souci pour ma réussite. »

  • « Cet événement de ma vie m’a fait souffrir, je me suis senti triste, rejeté et peu reconnu, j’ai donc compris que cette reconnaissance était importante pour moi et les autres. »

Comment un souvenir de sport peut affecter votre motivation d’athlète

Lors d’une compétition de cross-country. J’ai vécu une grande frustration due à une course vraiment décevante malgré des capacités bien réelles. Trop de stress et la perte totale de confiance m’empêchaient de bien courir. C’était la compétition la plus importante de la saison. Je me suis senti honteux d’avoir échoué. Suite à cela, mon coach ne m’a à peine adressé la parole et j’ai senti que j’avais déçu mon équipe. Aujourd’hui, je serai prêt à tout pour leur prouver que je suis capable de bien mieux.
— Un coureur

Ce souvenir suggère que le coureur en question n’a pas encore digéré son expérience. Avec le temps, cette expérience frustrante activera des émotions négatives encore et encore. Comme les vagues creusant les rochers, ce souvenir pourra façonner une motivation basée sur l’égo : « Je vais m’entrainer plus fort pour que les autres reconnaissent ma valeur », menant cet athlète à se surentrainer, développer une passion obsessive ou même à se blesser.


Le coureur qui chokait ses courses à cause d’un souvenir d’enfance

Avant de vous laisser, j’aimerais vous parler du cas d’un coureur qui a accepté de partager son expérience.

Ce coureur est venu me voir pour un problème simple :

Lors de mes courses, tout se passe bien jusqu’aux derniers 25%. À ce moment-là je perds confiance en moi, je doute et je ralentis. Ça me frustre terriblement, car je ne suis pas capable de performer à 100% de mes capacités. Le plus dur, c’est que mes temps à l’entrainement montrent que je suis capable de bien mieux.
— Un coureur (rapide)

Après avoir discuté, ce coureur a évoqué, à plusieurs reprises, qu’à la fin de ses matchs de hockey, son père avait tendance à le critiquer sévèrement pour ses “faibles” performances.

Ce coureur a grandi, mais ses souvenirs ne se sont pas effacés.

En fait, ils ont peut-être continué à générer : anxiété, perte de confiance et même des sentiments de rejet et de solitude. Ces souvenirs ont plus de chance de se réactiver dans un contexte similaire : typiquement lors d’une course.

Comme le temps ne suffit pas toujours à tasser nos souvenirs douloureux, nous pouvons tenter de les digérer au risque de subir l’action négative de ces derniers.

Mon rôle sera de référer ce client à un psychologue dont le travail sera de réinterpréter ses souvenirs douloureux avec ses yeux d’adulte.

DES CONSEILS SCIENTIFIQUES POUR TE PERFECTIONNER EN COURSE

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